Accueil

Philippe Girard

Pour son livre « Le Prince des Oiseaux de haut vol

1-J.D. Philippe Girard bonjour et bienvenue sur Clicinfospectacles.fr, tout d’abord pour nos lecteurs qui est Philippe Girard ?

P.G. Je suis un auteur de bandes dessinées québécois qui a publié une vingtaine d’albums chez différents éditeurs, dont Leonard Cohen sur un fil (Casterman) et Supercanon! le marchand d’armes qui visait les étoiles (Casterman).

2- J.D. Dans « Le Prince des Oiseaux de Haut Vol » aux éditions La Pastèque, qu’est qui vous a intéressé dans cet épisode de la vie d’Antoine de Saint-Exupéry ?

P.G. J’avais un oncle qui était professeur de Philosophie à l’Université Laval où j’étudiais à l’école des Arts visuels. Le midi, je mangeais souvent avec un ami qui étudiait en philo et je saluais parfois mon oncle lorsque je le voyais. Un jour, il est passé avec un autre professeur, Thomas De Koninck, que la légende urbaine désigne comme inspirateur du Petit Prince (lorsque Saint-Exupéry a séjourné chez ses parents en 1942). C’est une rencontre déterminante dans mon processus créatif. Et puis j’avais aussi le vinyle du Petit Prince à la maison, qui était narré par mon quasi homonyme : Gérard Philipe.

3- J.D. Comment est-il perçu au Québec ?

P.G. Comme un grand écrivain qui a écrit un conte pour enfant universel. Comme la plupart des Québécois qui se souviennent de sa visite ici, il y a une sorte de fierté vis-à-vis de cetet visite. Une plaque commémorative a même été apposée sur la maison des De Koninck dans le Vieux-Québec.

4- J.D. Pourquoi ce titre « Le Prince des Oiseaux de Haut Vol » ?

P.G. Cela fait référence à la scène-clé du livre, celle autour de laquelle toute la dynamique intime du personnage bascule et le fait passer d’un état moribond, voire suicidaire, à la lumière. Saint-Exupéry était au plus mal pendant son exil à New York, il voulait retourner se battre pour la France. Je crois que son passage au Québec lui a procuré ses derniers moments de bonheur.

5- J.D. Vous êtes-vous appuyé sur des sources historiques ? Si oui lesquelles ?

P.G. Il y a plusieurs articles qui relatent son passage au Québec dans les journaux d’époque. Ceux-ci sont accessibles dans les banques de données numériques de différentes universités. Autrement, il y a un passionné de Saint-Exupéry, Pierre Desjardins, qui a publié à compte d’auteur un livre qui relate la plupart des visites qu’il a faites ainsi que les discours qu’il a prononcés pendant son séjour.

6- J.D. C’est un voyage qui n’a pas été facile pour lui ?

P.G. Oui, du moins au début, d’autant qu’il a été coincé au Canada pendant six semaines pour un souci de visa. Mais une fois cette contrariété passée, ses hôtes l’ont promené entre Québec et Montréal dans les campagnes et les villages, et il y a fait des rencontres déterminantes sur la création du Petit Prince.

7- J.D. On a l’impression qu’il court après l’impossible ?

P.G. C’est un homme mal en point. Par ailleurs, il est contrarié par son éloignement géographique avec la France et il veut retourner se battre en Europe. Sa vie aux États-Unis ne le satisfait pas et il se sent proche de la mort. Ce qu’il cherche, c’est à la fois un retour au pays Physique, et intellectuel. Ces ingrédients ont donné le Petit Prince.

8- J.D. Vous donnez l’image de quelqu’un de très tourmenté ?

P.G. Oui, mais tous les écrivains le sont. Et à mon sens, ce n’est pas incompatible avec la douceur et l’humanisme qui se dégage de son œuvre. Il le disait lui-même : les miracles véritables font peu de bruit.

9- J.D. Selon vous, quel rôle a-t-il joué dans la seconde guerre mondiale ?

P.G. Il a été décoré de façon posthume pour avoir donné sa vie pour la France. Je crois que c’est très juste.

10- J.D. A travers « Le prince des Oiseaux de haut vol » l’avez-vous redécouvert ?

P.G. Je l’ai même découvert tout court. Avant mes recherches, j’avais l’impression que c’était un homme équilibré et bien dans sa peau. C’est à force de lectures que j’ai découvert à quel point sa vie d’aviateur l’avait brisé. Son humanisme, c’est avant tout celui d’un homme qui a vu la mort de près, très souvent.

11- J.D. Comment avez-vous travaillé le très beau design du livre qui est bien plus qu’une bande dessinée ?

P.G. À mon sens, c’est une bande dessinée. S’il existe un lien invisible avec un autre genre littéraire, c’est parce que tous les livres sont apparentés dans leur essence. Autrement, j’ai voulu induire dans le traitement graphique la perspective que Saint-Exupéry avait dans le cockpit de son avion lorsqu’il regardait le sol, à ses pieds.

12- J.D. En vous remerciant, qu’auriez-vous aimé lui dire si cela avait été possible ?

P.G. Merci de m’avoir appris que dans la vie, il faut choisir avec son cœur.

Propos rapporté par Jean Davy, le 21 février 2025 pour clicinfospectacles