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Pascal Petit, interview

Documentaire « Sous les paillettes, la rage: une histoire du Drag « 

1- J.D. Pascal Petit, bonjour et bienvenue sur Clicinfospectacles.fr, tout d’abord pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

P.P. Bonjour ! Je suis réalisateur de documentaires de témoignages pour la télévision depuis de nombreuses années. J’ai longtemps travaillé avec Mireille Dumas et c’est elle qui m’a donné le goût de l’interview intimiste et des témoignages.

Il y a quelques années, j’ai réalisé « Mon enfant est homo » pour France 5, un film de témoignages de parents confrontés au coming out de leur enfant. J’ai aussi réalisé un film sur ce que vivent et ressentent les femmes qui souffrent d’endométriose et dans un tout autre registre j’ai réalisé une série documentaire pour France 2 qui s’appelait « Retour aux sources », où on emmenait une personnalité sur les traces des ses ancêtres. J’ai notamment réalisé le « Retour aux sources » de Franck Dubosc et de Sonia Rolland.

2- J.D. A partir du 17 mai Histoire Tv diffusera votre documentaire sur les Drag Queen, « Sous les paillettes, la rage : une histoire du drag » qu’est qui vous a intéressé ?

P.P. Ce qui m’intéressait, c’était de partir du préjugé qu’on peut avoir sur les drag-queens, que beaucoup jugent simplement frivoles et légères sans trop savoir ce qu’est la réalité du drag.

Comme homo, je vivais moi-même assez mal, il y a encore quelques années, les drag-queens qui prenaient toute la lumière dans les Marches des Fiertés. Je ne me sentais pas représenté par elles.

J’avais tort. Et l’exploration de l’histoire du drag m’a donné tort.

Oui les drag-queens ont parfaitement leur place dans les Marches des Fiertés, parce qu’elles ont eu un rôle historique dans les luttes pour la défense des droits LGBT+. Et ce qui m’a plu, c’était de leur rendre justice. Pas par idéologie, juste en rappelant les faits historiques.

3- J.D. Pourquoi ce sous-titre « Une histoire du drag », y en a-t-il plusieurs ?

P.P. Il y a bien une histoire du drag et une seule. La formule se voulait plutôt pédagogique. On voulait montrer qu’on n’allait pas parler du drag d’aujourd’hui mais de son évolution depuis des siècles.

4- J.D. D’où vient ce terme de Drag Queen ?

P.P. On ne sait pas très bien d’où vient le terme « drag ».

Cela pourrait venir de l’acronyme de « Dressed as a girl », en français : « habillé comme une fille », ou du verbe anglais « to drag », qui veut dire « trainer », comme les traines de leurs robes. Mais on n’a aucune certitude.

5- J.D. Sait-on quand il apparait ? Et où ?

P.P. Les historiens font remonter l’origine du mot « Drag » à la fin du 19ème siècle aux Etats-Unis : William Dorsey Swann, ancien esclave émancipé, organisait des bals secrets où des hommes venaient pour se travestir. C’est lui qui, le premier, se serait autoproclamé « The Queen of drag » (la Reine du Drag) et même « The Queen », la Reine. En revanche, la réunion des deux mots «drag-queen »  est apparue bien plus tard, à la fin du 20ème siècle.

6- J.D. Parfois confondu avec le travestissement quelles sont les principales différences ? Et lui a-t-il été nécessaire dans son histoire ?

P.P. Ce sont des disciplines cousines ! Le travestissement, c’est le vaudeville américain dans les années 20, c’est la tradition des cabarets en France notamment après la Seconde Guerre Mondiale, « Madame Arthur » avec Coccinelle et Bambi, « Chez Michou » avec Hortensia (et là on parle plutôt de transformisme, c’est-à-dire une réinterprétation d’un personnage existant) dans le seul but de divertir et de faire rire. C’est une partie du drag d’aujourd’hui mais ce n’est pas tout le drag.

7- J.D. Est-il obligatoirement à la fois divertissement et revendications ?

P.P. Le drag ne recouvre pas forcément les deux notions combinées. Il y a le drag-divertissement, le drag revendicatif, chaque tendance a son histoire, c’est ce qu’on montre dans le film. Parfois les deux se mélangent et se combinent.

8- J.D. Qu’est que de Drag Queen a apporté à la communauté LGBTQ + ? Et inversement ?

P.P. Une meilleure visibilité… Une manière de revendiquer en renversant la table.

9- J.D. Et plus largement à la société ?

P.P. Un regard différent, l’acceptation de l’autre, on l’espère.

10- J.D. On parle beaucoup des hommes Drag Queen et qu’en est-il des femmes Drag King ?

P.P. L’histoire des drag kings est moins documentée, moins linéaire, moins visible. Le maquillage et la transformation du drag king sont souvent moins spectaculaires que chez les drag queens. Je devais interviewer un drag king dans mon documentaire, mais il s’est décommandé au dernier moment. C’est dommage. Les « Kings » feront parler davantage d’eux et de leur histoire s’ils prennent davantage la parole en direction du grand public. Pour le moment, ils préfèrent souvent s’exprimer dans les manifestations. C’est leur choix. Mais ça ne m’empêche pas de parler d’eux dans le film !

11- J.D. Dans votre documentaire vous leur donnez la parole à travers Nicky Doll, Tyra Priam ou Cookie Kunty entre autre, et c’est une parole profonde, touchante voir même humaniste ?

P.P. Tout ça à la fois oui !

Elles ont des histoires singulières passionnantes et pour peu qu’on s’y intéresse, elles vous touchent forcément. Elles dévoilent un peu de leurs histoires dans le film.

12- J.D. D’après vous, quelle est la Queen des Queen ?

P.P. Evidemment Paloma ! Drag et réalisateur et comédien : elle sait tout faire !

13- J.D. Ne risque t il pas avec le temps de disparaitre ?

P.P. C’est le risque : le mouvement drag connait des cycles dans l’histoire. Les drags sont au sommet depuis que la télévision s’y intéresse à travers Drag Race. Mais le public va peut-être se lasser. Ce n’est pas grave : c’est déjà arrivé dans l’histoire et à chaque fois, les drags ont su rebondir.

14- J.D. En vous remerciant, selon vous, quelle forme prendra le Drag Queen de demain ?

P.P. Le drag de demain sera plus underground. C’est le climat politique ambiant qui veut ça aussi. Comme le dit l’anthropologue américaine Esther Newton dans le film : en Floride, on vient d’interdire le drag devant les enfants, ce qui veut dire que le drag ne sera plus permis en public ni dans aucune marche ni aucun défilé. Ce n’est que le début des restrictions aux Etats-Unis.

Propos rapporté par Jean Davy, le 20 Mai pour clicinfospectacles