1- J.D. Ana Pievic, bonjour et bienvenue sur Clicinfospectacles.fr, tout d’abord pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
A.P. Bonjour ! Oui je suis comédienne, j’ai commencé avant même ma formation professionnelle à faire des tournages télé grâce à la réalisatrice Marion Sarraut, puis après une formation professionnelle en école et même théorique en université (études théâtrales), j’ai joué plus ou moins régulièrement des pièces à Paris ou province. Depuis douze ans je me passionne aussi pour le doublage de séries, téléfilms, films, voice over et livre audio. Quant au chant j’avais fait il y a longtemps du chant classique ou baroque, puis un spectacle de chants humoristiques des années 1900, et j’ai laissé de côté le chant de nombreuses années pour ne le reprendre que lorsque j’ai commencé à travailler sur le spectacle.
2- J.D. Actuellement vous êtes au Grand Pavois Théâtre d’Avignon avec votre spectacle « Laissez mon cheval libre, il sait ou aller ! » qu’est que le Mythe Mélanésien dont vous parlez dans l’avant-propos ?
A.P. J’ai lu ce proverbe quelque part je ne sais plus où, après avoir écrit la première version de la pièce. Je trouvais qu’il correspondait bien. Je pense qu’il faut toujours chercher à s’améliorer, à aller plus loin, à s’enrichir d’une façon ou d’une autre, mais aussi prendre conscience de ce qui nous entoure. C’est une éternelle question dans n’importe quel domaine ; dois-je changer de travail ou garder celui que j’ai, est ce que je ne serais pas mieux ailleurs ou non, avec quelqu’un d’autre ou non, etc etc… parfois on cherche simplement à fuir, parce qu’on n’est tout simplement pas bien avec soi-même. Alors on part mais le problème est le même, on est toujours avec soi et en plus on risque de perdre définitivement ce qu’on avait. Parfois c’est très justifié, on est dans un entourage qui ne nous correspond pas. Le tout est d’arriver je pense à se connaître suffisamment pour savoir quelle est notre réelle intention et la raison de notre quête. On est souvent tiraillé et parfois comme dit le mythe on comprend qu’on aurait pu composer avec ce qu’on avait, sans risquer de le perdre, et en changeant peut-être quelque chose en nous.
3- J.D. Qui sont Zoran et Vaclav les deux héros ?
A.P. Ce sont deux amis qui se connaissent depuis petits, on les voit d’ailleurs à différents âges dans la pièce. L’un est joyeux et prend la vie comme elle vient et aime ce qui vient à lui, l’autre est insatisfait et se pose multiples questions.
4- J.D. Ils sont à la fois si différent et tellement ressemblant ?
A.P. Absolument, car ces deux êtres peuvent être aussi deux parts de nous-mêmes. Nous ne sommes pas tout blanc ou tout noir. Ils se ressemblent aussi malgré leurs différences, parce qu’ils s’aiment, une forte amitié. Il y a dans l’amitié quelque chose qui nous rassemble forcément, il y a un ou des points de ressemblance, c’est mon avis.
5- J.D. Véritable « quête spirituelle » que chacun vit à sa manière ?
A.P. Oui, Zoran est en quête de sens, sens à sa vie, à la vie en général, en quête de lui-même. Et comme le dit la fin, peut-être d’une transcendance. Il est proche de la nature, il s’isole de plus en plus, il rejette inconsciemment ses amis, et ce sont différentes rencontres qui vont faire écho en lui, mais pas suffisamment puisqu’il lui arrive quelque chose d’un peu plus mystique je dirais, pour le bousculer un peu. Vaclav arrive par un autre biais à comprendre les choses. Par la joie, l’amour, l’amitié, le don de soi, l’écoute. C’est inné chez lui.
6- J.D. Bruce Tessore votre partenaire qui interprète Vaclav, comment l’avez-vous rencontré et qu’est qui vous a intéressé dans son jeu ?
A.P. C’est Bruno Banon le metteur en scène qui me l’a présenté. Je voulais quelqu’un de doux dans son jeu, de rond, dans l’écoute, et de discret. Bruce a un passé de sportif de haut niveau et ça se sent. Il cherche sans cesse à s’améliorer, c’est un sacré bosseur. Il est solide, organisé, on peut vraiment compter sur lui. Le fait qu’il soit beaucoup plus grand que moi m’a fait tilter au début 😉 mais finalement je trouve que c’est un sacré avantage. C’est la grandeur symbolique du sage.
7- J.D. La musique est à elle seule un personnage à part entière, vous qui avez été bercée durant votre enfance avec ces rythmes tziganes ou Klezmer, est un hommage que vous rendez à cette période de votre vie ?
A.P. Oui tout à fait, c’est un hommage que je rends à mes origines et à mon père qui est serbe et écoute tout le temps de la musique, quelqu’elle soit d’ailleurs, mais beaucoup d’ex yougoslavie ou tsigane. On dormait et « sa » musique nous réveillait. En Serbie, la musique en live est extrêmement présente, dans les restaurants, dans les rues, peut-être moins maintenant, mais quand on était petit il y en avait partout. Après, adulte, j’en écoutais tout le temps. Un groupe qui a aussi éduqué mon oreille était le groupe Bratsch.
8- J.D. Et comment les avez-vous pensées avec les deux co directeurs musicaux Pablo Penamaria et Raphael Setty ?
A.P. J’ai eu la chance qu’on me présente Raphaël Setty qui joue dans le spectacle et qui est un spécialiste de la musique klezmer et chansons yiddish, puisqu’il joue d’ailleurs depuis 12 ans dans les Marx Sisters. Avec les deux musiciens, donc aussi Pablo, je leur ai présenté 6 chansons traditionnelles, dont la traduction s’intégrait très bien au texte et contexte (deux en tsigane russe, une en tsigane roumain, deux en hébreu et une en bulgare). Deux autres chansons serbes sont de ma composition (paroles et musiques), et une troisième est une composition pour la musique, mais j’ai fait traduire les paroles en persan, à l’origine en tsigane russe, par une amie persane. Pour les arrangements, nous avons travaillé petit à petit mais ce sont deux fabuleux musiciens et pas besoin de beaucoup de répétitions ! D’ailleurs c’est comme pour le reste, on s’est de suite bien entendu sur l’atmosphère à donner pour chacune d’elle.
La scène avec les personnes juives, c’est parce que moi-même dans ma vie, ma mère étant juive, je me suis demandé si c’était mon chemin et si je devais suivre cette foi et ces pratiques.
9- J.D. La voix et les mots ont-ils la même place pour vous ?
A.P. La voix chantée ? Non, je suis beaucoup plus à l’aise avec l’écrit et les mots. Si vous parlez de la voix sans chanter ;), alors oui ils ont la même place.
10- J.D. En vous remerciant, est-ce aussi difficile de partir que d’arriver ou inversement ?
A.P. Comme Zoran, j’étais une éternelle insatisfaite. Je le suis de moins en moins et j’apprends de plus en plus à profiter du moment présent, à prendre pleinement conscience de la ou des choses positives qu’il peut y avoir dans chaque situation…. Mais que c’est difficile ! 🙂 quand j’y arrive, de temps en temps mais vraiment pas tout le temps ;), j’en vois vraiment le bénéfice. Alors ça me motive ! Merci à vous pour votre intérêt et vos belles questions. Mais venez nous voir ! le spectacle que vous avez vu en captation n a absolument rien à voir avec l’actuel. J’ai changé la structure du texte et réécrit plusieurs passages, les comédiens ont tous changé, et les musiques ne sont pas les mêmes… J l’énergie est très différente aussi ! Quand on écrit on fait plusieurs versions, on s’améliore, et je sais que celle d’Avignon est la bonne J merci !!
Propos rapporté par Jean Davy, le 25 juillet 2025 pour clicinfospectacles
Crédit Photo: Bruno Banon