Accueil

David Chambre, interview

Pour son livre « Le 9e Degré »

1- J.D. David Chambre, bonjour et bienvenue sur Clicinfospectacles.fr, tout d’abord pour nos lecteurs qui est David Chambre ?

D.C. J’ai découvert l’alpinisme adolescent à la fin des années 1970 puis l’escalade sur les blocs de la forêt de Fontainebleau. Ensuite, durant toute ma carrière de grimpeur professionnel, j’ai eu à cœur d’écrire son histoire dans les médias spécialisés et dans des livres. Depuis une dizaine d’années, je collabore avec Catherine Destivelle et ses éditions du Mont-Blanc à publier sur l’escalade et l’alpinisme sous toutes leurs formes.

2- J.D. Vous venez de publier aux Editions du Mont Blanc « Le 9e degré, toute l’histoire de l’escalade », quel en a été le point de départ ?

D.C. Avant tout, de synthétiser en un seul ouvrage illustré l’entièreté de la richesse de cette longue histoire. Sans être universitaire sur des milliers de pages mais sans rien oublier des femmes et des hommes marquants qui ont jalonné cette saga. La première édition date de 2015 et aujourd’hui, nous en sommes à la quatrième afin d’être toujours à jour, comme par exemple les Jeux de Paris.

3- J.D. Pourquoi ce titre de « Le 9e degré » ?

D.C. Sur l’échelle de difficulté française, la plus reconnue au niveau international, le neuvième degré représente la difficulté maximale actuelle, donc c’est le symbole de l’évolution de notre sport. Mais le titre est aussi un clin d’œil à mon premier livre publié en 1987, « Le 8e degré » qui était lui-même un hommage au « 7e degré » un ouvrage de référence écrit dans les années 1970 par Reinhold Messner, l’un des plus grands alpinistes et grimpeurs du XXe siècle.

4- J.D. Tout le monde connait les termes d’  « Alpinisme » ou d’ « Escalade », mais pourriez vous nous donner votre définition ?

D.C. L’alpinisme est né dans les Alpes, donc c’est l’activité consistant à grimper les hautes montagnes, souvent sur de la neige et de la glace. L’escalade se déroule uniquement sur le les parois rocheuses (et maintenant aussi sur des murs artificiels) sans s’intéresser spécifiquement à un environnement de montagne.

5- J.D. A quand remonte les premières traces d’escalades ?

D.C. Elles correspondent à l’avènement de l’homme sur terre. Depuis les temps préhistoriques et sur tous les continents, on a retrouvé des traces humaines dans des endroits qui ne pouvaient s’atteindre qu’en grimpant. C’est donc une activité naturelle pour chacun d’entre nous !

6- J.D. A-t-elle tout de suite été considérée comme un sport ou un loisir ?

D.C. Au XIXe siècle, l’escalade s’est individualisée de l’alpinisme en mettant l’accent sur l’intérêt technique et ludique de grimper uniquement sur des rochers de plus en plus raides. Avec l’évolution du matériel qui a permis de limiter la notion de danger, la mesure de la performance l’a progressivement transformé en sport à part entière.

7- J.D. Qui étaient les premiers grimpeurs ?

D.C. Au mitan du XIXe siècle, des gentlemen anglais s’entrainaient aux grandes ascensions alpines sur de petits rochers. Et certains ont trouvé que cette activité avait de l’intérêt pour elle-même.  Ils ont alors commencé à inventer des règles du jeu et des échelles de cotation de la difficulté.

8- J.D. D’après vous quelle a été sa contribution à la science ?

D.C. Faible par rapport à l’alpinisme par exemple qui a permis la cartographie et l’étude des grands massifs montagneux de la Terre. Mais dans l’étude scientifique des limites du corps humain, les meilleurs grimpeurs participent régulièrement à des études.

9- J.D. Est-ce que tout est escaladable ?

D.C. Un mur totalement lisse ne sera évidemment jamais grimpable. Mais, même si la courbe de progression s’est logiquement nettement infléchie, on découvre tous les jours de nouvelles parois et voies. Donc, il y a encore beaucoup de possibilités pas encore exploitées.

10- J.D. Les parcours étaient-ils les mêmes ou on t ils évolué ?

D.C. Il y a un siècle, grimper était une activité dangereuse où la chute pouvait avoir des conséquences dramatiques. Avec les évolutions technologiques du matériel, l’escalade est devenue une activité avec très peu de risques et les grimpeurs ont pu se focaliser sur la performance sportive et s’attaquer à des parois et des passages qui semblaient jusqu’alors impossibles.

11- J.D. Quels ont été les principaux défis qu’elle a dû surmonter ?

D.C. À partir des années 1980, une plus forte médiatisation et l’arrivée des compétitions gérées par des fédérations étatiques ont impliqué une plus forte réglementation pour des grimpeurs qui vivaient souvent aux marges de la société. Cela s’est encore accentué ces dernières années avec les contraintes environnementales et sécuritaires qui viennent encadrer une activité qui s’est beaucoup démocratisée.

12- J.D. Si vous deviez citer trois grands moments de son histoire lesquels seraient-ils ? Et pourquoi ?

D.C. La période précédant la première guerre mondiale a constitué un premier âge d’or en Europe avec une génération de jeunes gens prêts à toutes les audaces avec un équipement rudimentaire, avant de disparaître dans les tranchées…

Au début des années 1980, c’est particulièrement en France qu’une jeune génération a inventé des nouvelles règles du jeu à ce qu’on appelle l’escalade libre, propulsant rapidement cette dernière en activité sportive de haut-niveau.

En 1993, au Yosemite en Californie, la grimpeuse américaine Lynn Hill a été la première, tous sexes confondus, à gravir en escalade libre la plus célèbre voie du monde, le Nose sur El Capitan. Aujourd’hui, l’escalade est l’un des sports où l’écart entre les top-niveaux masculins et féminins est le plus faible.

13-J.D. Nouveau sport olympique, est-ce une reconnaissance ?

D.C. Indéniablement. Le CIO, le Comité International Olympique, a inclus l’escalade dans la catégorie des nouveaux sports urbains, ceux susceptibles d’être populaires parmi les plus jeunes générations. Donc, c’est une reconnaissance mais paradoxalement, l’escalade en tant que sport a une histoire aussi longue que le football, le rugby ou le tennis !

14- J.D. En vous remerciant, comment voyez-vous l’escalade de demain ?

D.C. Je la vois plurielle tant dans ses pratiques que dans la parité des sexes car les femmes y sont de plus en plus nombreuses. Les grimpeuses et grimpeurs traditionnels continueront à prendre du plaisir à escalader sur des parois isolées dans la nature, dans un esprit d’aventure. Alors que d’autres s’épanouiront sur des structures urbaines ou à travers les compétitions organisées par les fédérations. Il n’y a pas une escalade mais des escalades, c’est ce qui fait la richesse de cette activité.

Propos rapporté par Jean David, le 29 janvier 2025 pour clicinfospectacles