1- J.D. Bonjour et bienvenue sur Clicinfospectacles.fr, tout d’abord pouvez-vous vous présenter ainsi que la Galerie Roger-Viollet ?
G.T. Bonjour, je suis Gilles Taquet, je dirige Roger-Viollet depuis janvier 2020.
La Galerie Roger-Viollet est la partie grand-public de l’agence de presse photographique Roger-Viollet. « L’agence de Documentation photographique générale Roger-Viollet » fut créée en 1938 par Hélène Roger-Viollet avec l’aide son père et de son oncle. Pendant toute leur existence Hélène et son époux, Jean Fischer, n’ont cessé d’acquérir et de collectionner des photographies dont les droits d’utilisation étaient commercialisés auprès des éditeurs de presse et de livres.
Cette activité d’agence de presse perdure toujours, nos images sont diffusées dans le monde entier.
La collection Roger-Viollet couvre plus d’un siècle et demi d’histoire parisienne, française et internationale, elle est constituée de six millions de photos dont un million est consultable sur notre site roger-viollet.fr.
N’ayant pas d’enfants, les époux Roger-Viollet ont décidé de léguer l’ensemble de leurs biens à la Ville de Paris, ce qui fut fait en 1985, année de leur disparition.
Aujourd’hui toutes les collections Roger-Viollet appartiennent et sont conservées par la Bibliothèque historique de la Ville de Paris.
Après avoir remporté un appel d’offres lancé en 2019 par la Ville de Paris pour la diffusion et la valorisation des collections Roger-Viollet, il m’est apparu évident qu’il fallait ouvrir ces collections au grand public en proposant une galerie. D’autant que nous sommes idéalement situés, rue de Seine au cœur du Saint-Germain des Prés des galeries d’art.
Depuis 2020 nous organisons des expositions monographiques ou thématiques, permettant de faire connaître au grand public les photographes de cette collection unique en son genre. Nous présentons des tirages modernes qui sont proposés à la vente en édition limitée et numérotée.
Par ailleurs une sélection d’une centaine de milliers d’images est disponible en ligne sur le site de la galerie : galerie-roger-viollet.fr.
Il est bien-sûr possible de venir à la galerie pour consulter notre collection et acquérir des tirages réalisés à la demande.
2- J.D. Depuis le 2 octobre jusqu’au 17 janvier 2026, vous exposez Gaston Paris, qu’est qui vous a intéressé ?
G.T. En 1964, Peu de temps après sa disparition, la femme de Gaston Paris a vendu à l’agence Roger-Viollet les 15 000 négatifs qu’elle avait en sa possession.
Nous avions déjà réalisé une première exposition en 2022 à la galerie, conjointement avec le Centre Pompidou, sur le travail de Gaston Paris dans le but de faire connaître et reconnaitre toutes les facettes de son œuvre.
Cette fois-ci, nous avons voulu mettre en valeur son talent singulier pour la composition de l’image, notamment à travers le format carré qu’il a privilégié durant la majeure partie de sa carrière.
Chaque image est parfaitement composée, structurée, tout l’espace est utilisé avec une appétence marquée pour les lignes de fuite, les contre-jours, la recherche des différents axes et plans, l’ensemble donnant une force particulière à ces clichés. Avec souvent une touche de poésie et d’humour en plus.
3- J.D. Qui était-il ?
G.T. Gaston, Paris est né en 1903. Journaliste de formation, il fait ses débuts dans les années 1930 en collaborant avec de nombreux titres de presses illustrée, tels que VU, dont il est l’unique photographe salarié, Regards, Art et Médecine ou encore Match. Il est également membre du Rectangle, une association de photographes illustrateurs et publicitaires français, aux côtés d’Emmanuel Sougez et Pierre Jahan.
4- J.D. Pourquoi ce titre « Gaston Paris, l’équilibre du carré » ?
G.T. Dès sa mise sur le marché en 1929, Gaston Paris a adopté l’appareil photo de marque Rolleiflex. Sa particularité est d’utiliser des films au format 6×6 cm de 12 poses. Il a su tirer pleinement profit de ce nouveau format dans la composition de ses photographies. A l’époque il était habituel que les photographes qui shootaient en 6×6 recadrent leurs images pour être publiées par les magazines. Quand on observe les images de Gaston Paris, il parait évident que ses photos étaient construites pour être utilisées telles quelles. Les recadrer aurait altéré leur perfection. Ses reportages qui ont illustré les doubles-pages du magazine Vu étaient d’ailleurs présentés dans leur format carré original.
5- J.D. Selon vous qu’est qui le caractérise par rapport à d’autres artistes de la même époque ?
G.T. Gaston Paris est un photographe particulièrement éclectique. En tant que photoreporter il couvre des sujets comme les enfants pauvres de la Zone et des fortifs de Paris, les réfugiés qui fuient la guerre d’Espagne. Cela ne l’empêche pas d’être un excellent portraitiste qui photographie les personnalités du monde artistique jusqu’à la fin des années 50. Il est par ailleurs très proche du monde du cirque, de la nuit et du music-hall qu’il a beaucoup photographié.
6 – J.D. A travers son objectif il témoigne de son époque ?
G.T. C’est un témoin à travers ses photoreportages, mais il y a aussi une part onirique voire surréaliste dans son travail qui en fait un photographe singulier.
7 -J.D. De combien de clichés se compose le fond de la Galerie Roger-Viollet et comment avez-vous fait votre choix ?
G.T. Le fonds Roger-Viollet rassemble 6 millions de clichés, les négatifs et documents originaux sont conservés par la Bibliothèque historique de la Ville de Paris.
Nous avons passé en revue les 15 000 photos de la collection Gaston Paris en privilégiant la période des années 30 et 40, où son influence par le modernisme nous semble la plus marquée en particulier à travers ses compositions géométriques basiques, sans décor superflu.
8- J.D. Y a-t-il eu un travail de restauration ?
G.T. Pas particulièrement puisque les tirages que nous proposons sont des tirages modernes issus de la numérisation des négatifs originaux.
9- J.D. Comment expliquez-vous qu’il soit tombé dans l’oubli ?
G.T. Quand Hélène Roger-Viollet achète des collections à des photographes c’est pour enrichir le fonds de son agence photographique. Bien que toutes les photos soient créditées, l’œuvre des auteurs n’était pas mise en avant dans sa globalité. Les droits photos sont commercialisés pour illustrer l’article d’un journal, les pages d’un livre, etc. Les photographies ne sont pas montrées sous forme de tirages, aucune exposition n’a été consacrée à Gaston Paris en France avant 2022.
10- J.D. En vous remerciant, si Gaston Paris était une de ces photographies laquelle serait-il ?
G.T. Il est difficile de résumer un artiste à une seule image, surtout pour un photographe.
Une de photos qui pourrait le caractériser est celle du corps de ballet de l’Opéra de Paris prise en contre-plongée dans un escalier du Palais Garnier. Elle allie à la fois son goût pour les arts de la scène et la virtuosité de son écriture photographique.
Propos rapporté par Jean Davy, le 5 novembre 2025 pour clicinfospectacles.fr
Crédit photos Gaston Paris