1- J.D. Lorentz Ivorra, bonjour et bienvenue sur Clicinfospectacles.fr, tout d’abord pour nos lecteurs qui est Lorentz Ivorra ?
L.I. Bonjour et merci pour votre accueil. Lorentz je dirais que c’est un.e auteurice, chanteureuse et performeureuse qui aime donner de la voix telle une diva aussi punk, queer, que pop, naviguant entre les genres musicaux, et tout en écrivant des textes entre douceur et rage de se faire entendre. Une sorte de paradoxe permanent finalement.
2- J.D. Vous venez de sortir votre premier EP « X » pourquoi ce titre ? Et qu’est que le X représente pour vous ?
L.I. X c’est un titre qui veut dire beaucoup et peu à la fois. Mettre sous « X » c’est passer sous silence. Dans cette EP j’aborde des thèmes assez durs, des traumas et une critique des normes sociales qui oppressent de manière systémique les personnes les plus invisibilisées, notamment les personnes queer. On vit une ère de retour en arrière, surtout depuis le début de cette décennie même dans nos pays occidentaux et c’est assez terrifiant. C’est aussi un titre qui fait écho à une sexualité bien que pleinement assumée et vécue, discriminée et abusée. C’est un cri d’existence et X avait du sens vis à vis des messages que j’essaye de mettre en musique ici.
3- J.D. 7 titres le compose, quelle est leur histoire ?
L.I. C’est un peu particulier car 3 d’entre-eux ont été écrits il y a 10 ans (les 3 premiers singles sortis en 2024 Blondie Kitty Kat, Kiss Your Cheek et Lust), et 4 cette année. Les trois premiers étaient mes premières chansons jamais écrites alors que j’étais encore en école de musique et elles représentaient plutôt des vécus d’un point de vu identitaire encore assez sereins. Seul Kiss Your Cheek qui parle de deuil sort un peu de cette démarche car elle répondait à un évènement en particulier. Mais les 4 écrites cette année, surtout lorsque je regarde l’écriture de Mirror et Comedy’s Clown, sont plus engagées et tournés vers un besoin de parler de qui je suis profondément au travers de mes blessures et de mon identité queer.
VII est un chant de libération qui amène à renaître des blessures qui sont présentent dans Comedy’s Clown vers l’affirmation de soi dans Mirror.
La seule qui parle d’amour amoureux finalement est Le Lion, une balade en français ou j’avais envie de raconter une histoire, celle d’un amour jamais consommé, jamais vraiment envisagé.
4- J.D. Un 1er EP en anglais et en français, chantez-vous la même chose quelle que soit la langue ?
L.I. Et bien justement ici non, bien que ce ne soit pas forcément pensé en amont. J’écris depuis toujours en français, mais plutôt des poèmes et des histoires en générale. Je crois qu’il y avait aussi un besoin pour moi au moment d’écrire Le Lion de parler le même langage que le garçon dont il est question, qu’il puisse le comprendre. Là ou en anglais je m’exprime sûrement sur de plus vastes sujets, je crois qu’en français, ma langue maternelle, il y a quelque chose de plus intime pour moi.
5- J.D. Quelle sont vos références artistiques ?
L.I. Bordéliques, comme ma musique. J’ai baigné dans la musique classique, le jazz et la variété française des années 60 et 70 avec des parents artistes lyriques, et dans le même temps avec les CD de mes adelphes qui me faisaient aussi bien écouter du Tryo, que du Lorie ou du Céline Dion ou encore l’album de Notre Dame de Paris sur lequel j’ai eu une fixette un moment.
Puis au début de l’adolescence je me suis affirmé.e avec la naissance d’un goût certains pour tous les mouvements issus des musiques noires-américaines comme la soul, la funk, le blues, et les mouvements plus moderne qui en ont découlé comme le RnB. C’est là que j’ai découvert des artistes que j’aime toujours aussi profondément comme Beyoncé, Jessie J, Brandy, Jazmine Sullivan, Bruno Mars, Whitney Houston, etc.
Et puis un goût certain pour le rock et le hard rock est venu se mêler à tout ça il y a 10 ans en entrant en école de musique. Aujourd’hui je suis autant influencé par Beyoncé ou Lady Gaga, que les Guns N’ Roses, Teddy Swims, les Rolling Stones, Aretha Franklin, Etta James, Juliette Armanet, Brel, le musical, Carmen ou Norma.
Très bordéliques donc.
6- J.D. En avril dernier lors de la présentation de « X » à la Péniche Antipode, sur scène vous êtes presque nu, comment voyez-vous votre corps ?
L.I. Je le vois comme ma maison. Il y a des moments où j’y suis bien et d’autres non. J’ai des moments de profondes dysphories et des moments de paix et de communion avec lui. C’est un corps que je n’ai pas toujours vécu comme m’appartenant et qui a été marqué par l’abus d’autrui. Je crois que l’exposer me permet de me le réapproprier et en même temps de montrer au public qu’on peut affirmer son corps et comment on veut le présenter en sortant des sentiers normatifs de la société.
7- J.D. En string et bas on ne peut que penser à Tim Curry dans « The Rocky Horror Show », est-ce un hommage que vous lui rendez ?
L.I. Vous n’êtes pas la première personne à me le dire, et bien que ce soit un personnage que j’adore et qui ai pu m’inspirer, je n’y avais pas pensé. Pourtant j’adorais chanter Sweet Transvestite, je crois que tous mes potes de l’école de musique ont dû supporter au moins une fois m’entendre en faire un karaoké improvisé en soirée un peu trop arrosées dans nos petits apparts de l’époque. Il y a beaucoup de similitude c’est vrai dans le personnage que je me suis forgé sur scène avec lui, il s’agit peut-être d’un acte manqué. D’autre personnages et artistes fort.e.s et inspirant.e.s aujourd’hui m’influencent, comme Sam Smith dans les plus connu.e.s, beaucoup d’artistes drag, et évidemment mes adelphes qui font vivre la scène queer parisienne.
8- J.D. « X » est-il autobiographique et à quel point ?
L.I. X est entièrement autobiographique. J’y chante au travers des genres musicaux qui me représentent pleinement aujourd’hui en tant qu’artiste et j’aborde des évènements qui sont très personnels. Les insultes, les abus, comme les moments d’amour, d’amitié et de réalisation que j’aborde, ce sont les miens. Même le fantasme et le désir dans Lust il est le mien, dans son plus simple apparat. C’est d’ailleurs toute la direction que je souhaitais prendre avec cet EP, me raconter à vous, pleinement, aussi bien dans mon histoire, que dans mon ressenti et mon vécu. Je prends juste soin de ne jamais tout dévoiler non plus…
9- J.D. En vous remerciant, ouvertement Queer, selon vous comment votre musique le reflète elle ?
L.I. L’identité queer ce n’est pas qu’une question d’orientation sexuelle ou d’identité de genre. C’est avant tout un positionnement éminemment politique et une défiance envers les normes. Dans mes textes je parle ouvertement de ma révolte envers un système hétéronormé, hétéronormatif et cisgenre tout en écrivant aussi ouvertement sur mon désir sexuel, mon amour d’un garçon et mon identité de genre, ou encore mes combats avec mes adelphes. Pour moi c’est primordial et ça fait partie de moi en tant que personne engagée, mais aussi parce que c’est nécessaire à ma survie je crois.
Propos rapporté par Jean Davy, le 7 mai 2025 pour clicinfospectacles