1- C.F. Vous « tes très cosmopolite, globe-trotter même ? Quelle a été votre démarche première ?
M.T. Mons propos, au départ, a été un travail sur la mémoire, celle de mes grands-parents venus d’Espagne dans les années 10, chasser non parle franquisme mais surtout par la misère. Je me suis penché sur cette mémoire-laque je n’ai pas. Non seulement parce que je ne l’ai pas vécue, mais également parce qu’ils ne m’ont rien raconté. Il n’était pas d’un milieu social où on a la conscience de l’importance des choses. Je veux dire que quand il y a une douleur on le sait pour ceux qui sont allés dans les camps de concentration-on n’en parle pas, ce n’est pas poli de parler du malheur… Pour moi c’était plutôt une raison culturelle.
Je me suis dit : c’est intéressant de travailler sur quelque chose qu’on ne sait pas du tout, dont on a simplement des ressentis. Et quand j’ai commencé, maman m’a dit « je vais te raconter un peu ». Quand on les regarde bien, on aperçoit qu’il y a des toiles tout à fait occidentales et petit à petit, à force de tirer le fil, il y a des tableaux comme celui-ci qui s’appelle « Nomade » ou celui-là-bas qui s’appelle « Dakar-Paris » (et non pas « Paris-Dakar » qui sont exodes d’aujourd’hui.
La deuxième partie n’est pas une rupture : entre les deux il y a une petite trouvaille technique, une petite cuisine interne d’artiste qui fait que… (quelquefois chez moi c’est le fond qui tire d’autre fois c’est la forme) mais l’un n’exclut pas l’autre. La technique pure, là, en prenant le pas sur le discourt a mis à jour des tas de choses. Une toile se réalise en plusieurs étapes. Le dernier stade c’est quand je passe mes toiles aux jets sous pression, ce qui fait partie ce qui veut partir. Et du coup, il y a des choses qui apparaissent qui font ressortir par exemple le pigment blanc. Je n’en ai pas passé partout, je le fais à l’arrache, et je ne parle pas du bruit sur la toile tendue comme un tambour… C’est la première de ces idées sur la mémoire qui a donné ce que vous voyez.
Quand j’ai accroché mes toiles avaient lieux les obsèques de Guy Ducoloné, que je ne connaissais pas. J’ai alors vu qu’il avait été résistant très jeune, il avait 20 ans, et je me suis dit : ce type-là, c’était un héros avec une paire de c… grosses comme ça et je crois que c’est de ça dont je parle !
2- C.F. Les voyages ça fait partie intégrante de votre art ?
M.R. Oui. C’est dans ma personnalité et c’est surtout le fait d’être influent par l’autre. Une petite anecdote : l’autre jour, des personnes regardaient mes toiles très attentivement, pendant longtemps, je suis allé les voir. Je dis donc à ces deux dames : c’est moi l’artiste. Et l’une me dit : « Non ! » Là je me suis senti un peut désarmer, j’ai dit : « mais si », elle : « Non il est togolais ! ». C’est-à-dire qu’après avoir lu une petite bio à l’entrée de l’expo, elle avait retenue « né à Lomé » et pour elle je ne pouvais être blanc. Je lui dis donc « vous savez vous pouvez avoir des gens de toute nationalités dans chaque pays, la France en est un exemple ». Elle était un peu embêtée, mais je l’ais pris à la rigolade pour la détendre un peu (mort de rire l’artiste, ndir).
Voila : j’ai eu la chance d’exposer sur les cinq continents, et j’ai vendu en gros un millier de toiles. Je suis sûr qu’en ce moment même, il y a au moins une personne qui regarde une de mes toiles quelque part dans le monde et je trouve ça assez extraordinaire. Ce n’est pas de l’orgueil, c’est l’humilité totales…
3- C.F. Vos référence : Apollinaire, Rimbaud, etc.. ?
M.T. Je suis complétement autodidacte. Je ne suis pas passé par une école. Donc je n’ai pas été formé par une école mais du coup je n’ai pas été déformé par une école. Et ça, c’est assez intéressant car mon chemin je l’ai fait moi-même. Renoir disait : « La peinture s’apprend dans les musées ». C’est ce que j’ai fait. Je suis un visiteur assidu du Louvre, j’y vais, je m’installe et j’essaie de voir, avec cet organe merveilleux qu’est la vue, c’est le truc le plus évident (sauf malheureusement pour ceux qu’en son privés), on a ça à la naissance, c’est un cadeau mais très souvent on ne sait pas s’en servir et, bien entendu, tout le monde n’est pas baba devant mes tableaux, certains regarde ça comme un pots de fleurs…
Exposition « Ombres d’exodes » Espace Niemeyer, 2 place du colonel Fabien 75019 Paris, entrée libre, du lundi au vendredi.
Propos recueillis par Claudie Fournier, le 16 octobre 2008 pour clicinfospectacles