Accueil

Olivier Truc, interview

Pour la sortie de son livre « La Danseuse aux dents noires

1- J.D. Olivier Truc, bonjour et bienvenue sur Clicinfospectacles.fr, tout d’abord pour nos lecteurs pouvez-vous vous présenter ?

O.T.  Je suis un journaliste, écrivain, scénariste et documentariste qui a passé la moitié de sa vie en Suède (la plus récente) et l’autre moitié en France.

2- J.D. Avec votre cousin Jean-Laurent Truc vous venez de publier aux éditions Dupuis « La danseuse aux dents noires » tiré de votre histoire familiale, quel en a été le point de départ ? Et qu’est qui vous a intéressé dans cette publication ?

O.T. Notre arrière-grand-père, Hermentaire Truc, a publié ses mémoires, et dans la   famille, chacun en a un exemplaire. Il y relate notamment l’épisode où il est appelé par le gouvernement français à partir opérer le roi du Cambodge d’une double cataracte en 1912. Et son récit est déjà très romanesque en soi, avec de riches descriptions aussi bien du voyage que des intrigues qui entourent cette opération.

3- J.D. Qu’est qui a le plus difficile ?

O.T. Le plus difficile pour nous a sans doute été de savoir quelles libertés nous pouvions prendre avec la réalité, jusqu’à quel point nous pouvions injecter des doses de fiction dans cet événement historique, mais à partir du moment où ce choix a été assumé, les choix ont été plus naturelles.

4- J.D. Qui était l’Hermentaire Truc ? Et que veut dire ce terme d’« Hermentaire » ?

O.T. Hermentaire est le nom du saint patron de la ville de Draguignan, dans le Var, d’où est originaire la famille Truc, c’est donc un prénom local. Il vient d’une famille, typique pour la région de cultivateurs et viticulteurs. Il choisit une autre voie, droguiste d’abord, pharmacien ensuite, et puis après ses études de médecine, ophtalmologue. Il s’installe à Montpellier, va créer la clinique d’ophtalmologie et en tant que professeur, va diriger la chaire d’ophtalmologie.

5- J.D. Sur quels écrits vous êtes vous basé pour l’écriture ?

O.T. Nous nous sommes basés en grande partie sur ses mémoires qui racontent son voyage depuis Marseille jusqu’à Saigon et Phnom Penh pendant quelques mois de l’année 1912. Nous avons ensuite effectué des recherches sur le contexte de l’époque, sur le Cambodge à l’époque du protectorat français, sur ces fameuses danseuses Aspara qui avaient fasciné Rodin, et Hermentaire !

6- J.D. Leurs êtes-vous resté fidèle ou avez-vous prit quelques libertés ?

O.T.  Nous sommes restés fidèles aux mémoires pour une grande partie de ce qu’elle raconte, notamment l’aspect purement clinique, sur les étapes du voyage, les tensions liées à l’opération même du roi, qui ont poussé Hermentaire à obtenir de réaliser l’opération à Saigon et non à Phnom Penh où les intrigues rendaient son travail presque impossible.

7- J.D. A travers son histoire votre arrière grand père témoigne d’un Cambodge disparu ?

O.T. C’est évidemment un Cambodge disparu dans le sens où le génocide commis par les Khmers rouges dans les années 1970, en plus de causer la mort de plus d’un million et demi de Cambodgiens, a aussi cherché à éradiquer la culture khmère.

8- J.D. On a l’impression qu’il est plongé dans une histoire d’espionnage, d’intelligences militaires, d’influences … ?

O.T. Il est plongé dans cette Indochine française deux ans avant le début de la Première guerre mondiale, et cela nous a semblé une période propice pour mettre en scène le grand jeu géopolitique à travers cette histoire, par le biais notamment des agents français, britannique et allemand que l’on croise dans le récit, et du rôle particulier que joue le prince Yukanthor, un personnage historique.

9- J.D. Cette danseuse aux dents noires dont est tiré le titre à un rôle très important dans son aventure ?

O.T. Simala, la danseuse Aspara qui donne son nom à l’album, qui est magnifiée comme Phnom Penh par le formidable dessin d’Eric Stalner, est un personnage fictif, même si notre arrière-grand-père a évoqué à plusieurs reprises la splendeur et l’art de ces danseuses. Le prince Tesso Sisowath, arrière-arrière-petit-fils du roi Sisowath, lui-même aujourd’hui directeur d’une école de danse classique khmer, m’a éclairé de ses conseils.

10- J.D. Il croise de nombreuses personnalités lors de son séjour au Cambodge, ont-ils tous une vérité historique ?

O.T. Une bonne partie des personnages évoqués sont réels, qu’il s’agisse du ministre des colonies, du général Gallieni, d’Albert Sarrault le gouverneur, du roi bien sûr et de son ministre du palais, Thiounn. D’autres sont transformés, comme son assistant de fiction Guerlet, afin de lui faire subir un sort différent au vrai, le docteur Charlet. Idem pour le médecin major colonial dont nous avons fait un personnage peu recommandable.

11- J.D. Aux dessins Eric Stalner, comment avez-vous collaboré ensemble ?

 O.T. Eric Stalner au dessin a été une bénédiction, car il s’est totalement emparé du projet, de l’histoire et du contexte, ses propres recherches iconographiques complétant les notres. Nous lui fournissions un séquencier, et Eric nous renvoyait des planches découpées où nous pouvions compléter et ajuster les dialogues, tout s’est passé de façon très souple.

12- J.D. D’après vous sa mission et son voyage ont-ils eu une influence dans sa vie d’après ?

O.T. C’est difficile à dire. Dans ses mémoires, il décrit combien il craint d’échouer car cela ferait la joie de certains confrères, et cette mission réussie a dû tout autant contribuer à sa notoriété professionnelle que lui attirer de solides jalousies !

13- J.D. En vous remerciant, avez-vous redécouvert votre arrière grand père ? Et Comment ?

O.T. Le travail de fiction nous a donné la possibilité d’essayer d’approcher l’homme d’une façon que ne permet pas la simple lecture de mémoires destinées à la famille et aux collègues, en ce sens, nous avons tenté de le découvrir, plutôt que de le redécouvrir.

Propos rapporté par Jean Davy, le 10 novembre 2025, pour clicinfospectacles.fr