T.O. Je suis marié et père de trois enfants. Je suis aussi auteur et journaliste (depuis 2005), essentiellement pour la presse chrétienne. J’ai réalisé une dizaine d’ouvrages BD et livres confondus.
T.O. Je crois qu’il suffit de voir le visage qui figure sur le Suaire pour être intrigué par le Linceul de Turin. Mais chez moi s’ajoutait le désir de faire de creuser, de me faire ma propre idée sur cet étrange objet. Je suis chrétien, et si vraiment ce Linceul est l’image de Jésus, alors j’ai sous les yeux une représentation de Dieu incarné. Une image non faite de main d’homme… Cela dépasse l’entendement !
T.O. Il décrit ce dont il est question dans l’ouvrage si on y ajoute le sous-titre « L’odyssée du Linceul du Christ ». C’est une BD qui examine les Mystères du Saint Suaire au travers de son histoire mouvementé. Au regard de tous les évènements qu’il a traversé, il est presque miraculeux qu’il soit parvenu jusqu’à nous ! Pendant mes investigations, alors que je découvrais toujours plus d’épisodes historiques étonnants, j’ai été gagné du sentiment que ce Linceul était animé d’une vie propre. Que c’est lui qui partait en pèlerinage pour rejoindre les hommes. J’ai donc voulu titrer ma BD « Le pèlerinage du Linceul », mais ce titre aurait été trop énigmatique !
T.O. Un suaire est un voile qui couvre la tête d’un mort. Il existe un suaire, le Suaire d’Oviedo, qui est considéré comme celui qui fut apposé sur la tête du Christ. Mais il n’est pas question dans cette BD de Suaire, même si la confusion est souvent faite. Ma BD parle d’un linceul, un grand drap qui enveloppe complètement un cadavre. Dans le cas de celui de Turin, c’est un tissu de lin, tissé selon les préceptes des juifs -il n’y a pas de trace de fibre d’origine animale – avec des matériaux issus du Moyen-Orient.
T.O. Les livres de Jean-Christian Petitfils, Jean Dartigues, John H Heller, mais aussi quelques vidéos de sindologie. Je suis aussi allé voir du côté de la zététique, j’ai lu des auteurs défavorables au Linceul comme Nicolas Hallen, Paul-Éric Blanrue et quelques vidéos dans la même veine. L’un des aspects passionnant de la recherche sur le Linceul, c’est qu’elle n’en est qu’à ses débuts ! Il y a encore tant de questions, tant de découvertes sont faites régulièrement… Le livre de Jean-Christian Petitfils « Le Saint-Suaire de Turin » m’a tout particulièrement passionné par sa partie historique. Je dois toutefois m’inscrire en faux sur le sous-titre qui a été choisi pour cet excellent livre « l’enquête définitive » : il reste encore beaucoup à explorer.
T.O. Il y eu de grandes variations suivant les modes. Pendant la période antique, il aurait pu être considéré comme une « représentation de Dieu », ce qui a été interdit et aurait pu lui valoir d’être détruit. Mais il en a réchappé. Jusqu’au Moyen-Âge, il a l’air d’avoir été considéré comme une relique de grande importance, mais moindre que celles d’autres objets comme la couronne du Christ. Après la réforme, les reliques sont tombées en désuétudes, puis il y a eu des retours. Son statut a complètement changé avec la photographie de Secundo Pia, à la fin du XIXe siècle, qui en fait une star internationale ! Depuis quelques décennies, les reliques et les pèlerinages reviennent en force, et je crois que le Linceul a un bel avenir devant lui !
T.O. Probablement, oui. Non seulement pour le protéger mais aussi pour donner aux fidèles une image de Jésus plus conforme à ce qu’ils attendaient d’une image du Christ. D’après les témoignages antiques que nous avons, l’image du Linceul apparaissait plutôt décevante. Vague, fantomatique, il fallait se tenir à une certaine distance pour la deviner sans toutefois bien la discerner. Elle n’a pas de contours. Le Linceul n’était exposé que très rarement, car les fidèles avaient conscience de sa fragilité. Il fallait donc en avoir des représentations sous la main. Mais aucune copie ne ressemble à l’original.
T.O. Le test au Carbone 14 de 1988 a « réglé » la question pour les médias grand public. Le Carbone 14 est une technique jugée très fiable, or selon les 3 laboratoires interrogés, le Linceul datait de la période médiévale. La plupart des chrétiens ont accepté ce résultat, jugé qu’il s’agissait d’une fausse relique et sont passés à autre chose. Mais ceux qui connaissaient bien le sujet ne pouvaient pas l’admettre, et ils avaient raison. En effet ce test posait bien plus de question qu’ils n’en résolvaient. Il ne suffisait pas à anéantir toutes les études préalables qui allaient dans le sens de l’authenticité. Certains ont demandé à avoir accès aux données brutes utilisées par les laboratoires pour arriver à leurs conclusions. Ils n’ont pas eu gain de cause avant 2018.
T.O. La recherche a continué. Des scientifiques ont découvert d’autres signes, comme de possibles fantômes d’écritures sur le Linceul… D’autres techniques de datations ont contredit le Carbone 14. Puis en 2018, quand les données brutes du test de 1988 ont été rendues accessibles, on s’est rendu compte qu’elles étaient très étranges. Non pas que les laboratoires aient triché, mais les données étaient anormalement dispersées, au point que seul une petite partie des résultats ont été retenus par les laboratoires pour réaliser leur datation, les autres étaient jugés aberrants. Sans remettre en cause leur bonne foi, cela interroge au moins sur la fiabilité de ce test. Et cela a ajouté un élément étrange à la somme d’étrangeté déjà gigantesque qui s’accumule autour du Linceul : ces résultats « dispersés », semblent indiquer que le Linceul a subi une forme d’irradiation… De quoi passionner – ou donner des migraines – aux sinologues !
T.O. Il a un dessin clair, net, précis et réaliste. C’est tout à fait ce qu’il nous fallait pour le Linceul. Nous désirions un album lumineux et je crois que le défi est parfaitement relevé ! Certaines planches, comme celle où l’on voit Louis IX porter le Linceul jusqu’à la Sainte Chapelle en bras de chemise me touche tout particulièrement. Il a su mettre en valeur la galerie des héros qui se sont succédés pour que le Linceul parvienne jusqu’à nous presque intact. François Mougne s’est emparé de mon scénario et y a donné sa patte, il nous a livré un travail remarquable !
T.O. Je parlerai au présent et même au futur plutôt qu’au passé. Le Linceul parle à notre époque parce qu’il se révèle à mesure qu’on l’examine avec une technologie dont on ne disposait par auparavant. Je guette les prochaines études qui seront faites sur lui avec impatience… Mais sur un plan artistique, il nous donne à voir une image belle et énigmatique. Le visage du Christ, tel qu’il apparaît sur le Linceul, dégage une impression de noblesse et de paix. Cette image à elle seule force l’intérêt et l’admiration, même sans toutes les révélations de la sinologie.
Propos rapporté par Jean Davy, le 11 mars 2025 pour clicinfospectacles