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Xavier Martin, interview

pour son livre « Gainsbourg rue de Verneuil »

  1. J.D. Xavier Martin, bonjour et bienvenue sur Clicinfospectacles.fr. Portraitiste de stars, vous n’êtes plus à présenter. Vous venez de rééditer aux Éditions Hervé Chopin « Gainsbourg rue de Verneuil », un ouvrage consacré à l’une de vos photographies les plus célèbres. Est-ce la première fois que vous abordez ce cliché sous cette forme ?

X.M. Oui, en effet.

  1. J.D. À l’époque, comment perceviez-vous Serge Gainsbourg ?

X.M. On se croisait régulièrement à l’Élysée Matignon, un night-club emblématique des années 80. Nous avions des relations amicales, simples et respectueuses. J’admirais beaucoup son travail et, malgré sa réputation de personnage complexe, je le trouvais d’un abord étonnamment accessible.

  1. J.D. Lorsque vous l’avez rencontré, aviez-vous déjà en tête l’idée de cette mise en scène dans la baignoire ?

X.M. Pas du tout. En réalité, c’est lui qui m’a demandé cette séance. Mais l’idée de la baignoire, c’est moi qui la lui ai proposée. C’était une intuition, quelque chose qui me semblait pouvoir très bien fonctionner à tous points de vue.

  1. J.D. Vous l’avez présenté de manière inédite, presque intime. Comment a-t-il accueilli cette proposition ?

X.M. Il a tout de suite aimé. Gainsbourg était un homme d’image, il a compris que ce serait une bonne photo, un concept fort, avec ce petit côté provoc’ qui lui allait si bien.

  1. J.D. Et vous, en entrant ainsi dans son intimité, comment vous êtes-vous positionné ?

X.M. Très naturellement. Nous avons plaisanté sur sa prétendue saleté, c’était une façon d’alléger l’instant. Mais la complicité était là, palpable, et c’est elle qui a rendu cette proximité possible. Je me suis senti libre, et je crois qu’il l’était aussi.

  1. J.D. L’histoire de cette photographie et de son succès est plutôt surprenante, non ?

X.M. Oui, d’autant plus qu’à l’époque, c’était surtout Jane qui attirait les projecteurs. Pour Serge, apparaître seul dans les médias, ce n’était pas si évident. Cette photo a capturé quelque chose de rare, quelque chose qui a traversé le temps.

  1. J.D. En préparant « Gainsbourg rue de Verneuil », avez-vous redécouvert votre travail et Serge Gainsbourg ?

X.M. Je ne peux pas dire que j’ai redécouvert mon travail, car je m’implique tellement que chaque prise de vue s’inscrit en moi avec une intensité particulière. Je me souviens du temps qu’il faisait, de la température, des odeurs, du taxi, des feuilles jaunes tombées des arbres dans cette rue de Verneuil, par cette belle après-midi d’automne. Ce sont ces détails qui rendent chaque séance inoubliable.

Je me suis replongé dans ce très bon souvenir. On n’oublie pas une rencontre avec une personnalité de ce niveau, d’une fantaisie et d’un talent comme Serge. C’est comme avec Mitchum, le charisme de cet acteur de haut vol reste intact. Et c’est d’ailleurs avec le même objectif que j’ai photographié Serge et Mitchum. Je le garde précieusement, c’est un témoin de ces instants uniques.

  1. J.D. Pour conclure, comment expliquez-vous que cette photographie soit devenue aussi connue, presque mythique ?

X.M. Avec le temps, Serge est devenu une icône. J’ai eu la chance de le photographier à une époque où il était au sommet, physiquement et artistiquement. Malgré le nombre de photos prises de lui, je trouve que beaucoup ne rendent pas justice à sa présence.
J’ai toujours accordé beaucoup d’importance aux détails : la lumière, le cadrage, l’ambiance. Je voulais plus qu’une simple image, je voulais une image juste. Et cette photo l’est. Graphiquement, elle est équilibrée, Serge y est superbe, il pose avec cette élégance désinvolte qui le caractérisait. Et puis, ce petit tas d’affaires au pied de la baignoire… C’est ce détail, presque anodin, qui donne à l’image cette touche de vérité. Un moment suspendu, un instant de grâce.

Propos rapporté par Jean Davy, le 13 février 2025 pour clicinfospectacles